COMMENT LIBÉRER VOTRE LEADERSHIP ?

Dans mes deux précédents articles (1) et (2), j’ai choisi de filer la métaphore de l’éléphant et du cornac pour évoquer cette dualité que nous ressentons parfois et proposer un cheminement. 
L’éléphant représente notre partie inconsciente -pensées, émotions, ressentis, sensations -. Il est notre personnalité profonde, nos traits de caractère mais aussi la source de nos talents. 
Le cornac, quant à lui, est plutôt frêle, doué de raison, rationnel, planificateur, organisateur. Il analyse, peut donner la vision, le sens et peut s’inscrire dans le futur. C’est l’esprit juché sur le dos de l’éléphant.
Quand notre cornac porte un regard lucide, positif et valorisant sur l’éléphant, alors notre éléphant peut donner le meilleur de lui-même. L’idée développée est qu’il est de notre responsabilité de renforcer notre estime de nous par cette alliance forte entre nos 2 amis.
Dans ce troisième article, nous allons voir que nos mécanismes de défense sont souvent source de rigidité chez nous et avec les autres et nous empêche d’exprimer pleinement notre potentiel, autrement dit le leader qui est en nous! D’ailleurs, ils nous protègent de manière très inefficace et contre-productive sans pour autant nous permettre de renforcer notre estime de nous.
En en prenant conscience, nous pourrons alors nous passer de la plupart de ces mécanismes de défense pour permettre à notre éléphant et à notre cornac d’exprimer pleinement notre potentiel sans pour autant nous mettre en danger ! Cet article propose à la fois un chemin de compréhension en compagnie de 6 petits nains qui incarnent à merveille nos mécanismes de défense et également un chemin de résolution au quotidien et dans notre vie professionnelle.

IMAGINONS … UN BREF DÉTOUR DANS UNE CLASSE DE CM2 EN COMPAGNIE DES 6 NAINS, …

Pour illustrer avec tendresse nos mécanismes de défense préférés, je vous propose de revenir en arrière, lorsque nous avions 10/12 ans. Imaginons une cours d’école, une classe d’école, dernière année de l’école primaire.
A cet âge, nos éléphants mènent la danse. Plus tard, maintenant que nous lisons cet article, nos cornacs se sont musclés. Et pourtant, tout en se musclant, nos cornacs ont chacun choisi de laisser certaines « choses » – souvenirs, ressentis, émotions, scénettes de notre vie – reléguées dans notre partie inconsciente, la partie immergée de l’iceberg… loin de notre accès directe.

Imaginons donc un groupe de 6 élèves, un travail collectif à faire… Pour illustrer le propos, 5 nains sont convoqués, Dormeur et Atchoum restés à la maison pour des raisons que vous aurez devinées, Mignonne est créée pour les circonstances.

« Prof », 10 ans, un an d’avance, a l’air plutôt sûr de lui. Son éléphant est du genre à tout savoir : toujours inquiet de ne pas être le premier de la classe, challengé à la maison dès qu’il n’a pas 18/20 ! Cette grande compétence que Prof a développée s’exprime sur un fond d’inquiétude.



« Timide », elle est du genre facile à vivre. Son éléphant est très attentif aux autres, toujours prête à rendre service, et cela même quand c’est hors de sa portée voire compliqué pour elle.

« Grincheux », est souvent surnommé « Caliméro ». Ce qui lui arrive n’est jamais de sa faute. D’ailleurs, son éléphant se sent souvent en difficulté, dépassé par les évènements. Ceux qui s’irritent de cela pourraient lui reprocher de ne pas faire grand chose pour que ça aille mieux pour lui. Ceux qui sont perspicaces pourraient même remarquer que les choses s’enveniment avec lui quand on tente de l’aider. Même « Timide » qui y met pourtant du sien sort épuisée des séances de devoirs.

« Simplet », contrairement à ce que son nom indique, n’est pas simplet du tout. Son éléphant pense que c’est toujours de sa faute si les choses ne vont pas bien. Il s’en veut facilement. Parfois trop, quitte à grossir le trait. Et si cela lui permettait de cacher ses vraies responsabilités? C’est vrai que l’on n’ose plus lui faire de reproches ni le mettre devant ses responsabilités tellement il s’accable lui-même !
« Mignonne », personnage créé pour les circonstances, vit avec un fond permanent de manque de confiance en elle. Son éléphant a besoin de réassurance auprès des autres. Pour elle, difficile de se lancer seule dans un travail sans aller solliciter l’avis et les recommandations de ses pairs, de l’enseignante, sans faire valider à chaque étape son travail, quitte à interrompre les autres. Sans cela, elle ne se sent pas capable de faire.



« Joyeux » enfin, rien à dire. Il a toujours l’air content et tout va toujours très bien, même si tout ne va pas si bien que cela. Il maîtrise la situation. « Y’a qu’à ! » « Faut qu’on ! »

QUAND L’ESTIME DE SOI VACILLE, LES ÉLÉPHANTS SORTENT LEURS MÉCANISMES DE DÉFENSE…

Chacun de ces enfants a développé un mécanisme de défense préféré, en fait un mécanisme de protection. C’est à dire que chacun (leur éléphant surtout) a appris à réagir de manière automatique et quasi-réflexe à ce qui paraissait, à un moment, comme une véritable menace. Et chacun l’a fait à sa manière.
Voici ce qui caractérise un mécanisme de défense :

  • Il se met en place de manière inconsciente
  • Il se reproduit sans fin dès que le contexte vient l’activer
  • Il vise à nous protéger de vivre ce qui nous PARAIT « invivable », « insurmontable » si cela devait se reproduire
  • Il n’est pas si efficace que cela car nous laisse finalement un sentiment mitigé et de frustration dans les situations où il s’est activé.

Il ne nous permet pas d’appréhender la réalité telle qu’elle est et génère de fortes relectures, omissions voire distorsions des faits et situations. Un peu à l’image de lunettes que nous aurions chaussées sur le nez, depuis si longtemps que nous les avons oubliées ! Et pourtant, elles ne nous font voir le monde que sous un certain angle.

MAIS DE QUOI NOUS PROTÈGENT-ILS?

Ces mécanismes de défense nous protègent de ce qui nous dérange, de ce que nous voulons à tout prix ne pas voir et qui pourtant est là, en nous.
Petits, alors que nous étions à la maternelle ou même en primaire, ce que nous craignions le plus parce que nous n’avions pas les ressources pour le gérer, est parfois arrivé.

  • Se sentir humilié par nos parents, par un enseignant, une figure d’autorité suite à une mauvaise note ou à un mauvais comportement.
  • Se sentir inexistant, avoir l’impression de passer inaperçu. Par exemple, le soir, quand papa ou maman rentrent et qu’ils ne sont pas disponibles. Ou quand je n’ai pas été invité à un anniversaire. Ou enfin être convaincu que l’institutrice m’ignore puisqu’elle ne m’interroge jamais.
  • Et enfin, se sentir rejeté voire pire, craindre de ne plus être digne d’être aimé pour avoir fait ou pas fait telle ou telle chose, pour avoir montré un sentiment qui nous a valu réprobation ou ricanement.

Notre éléphant n’avait pas les moyens de relativiser. La déflagration vécue à l’intérieur a été peut-être terrible. Alors pour ne JAMAIS plus avoir à re-vivre ce sentiment, cette peur panique d’être humilié, ignoré voire rejeté, l’éléphanteau a mis en place sa tactique de défense.

« Prof », sa plus grande peur c’est d’être humilié, de sécher, de ne pas savoir. Alors, son éléphanteau se dit qu’en devenant incollable, il ne sera plus jamais pris à défaut sur ses connaissances. Cela va jusqu’à faire de lui un enfant très critique. Car la critique de l’autre est la meilleure façon de ne pas attirer l’attention sur ses insuffisances n’est-ce pas ! D’ailleurs, prof ne supporte pas les élèves « moyens » ou « pas bons ». Il les méprise même. Prof « veut toujours avoir raison, », se lance parfois dans des explications sans fin, usantes. Parfois même il peut être narquois voire se moquer des autres, peut penser que l’attaque est la meilleure défense. ET PROF DEVIENDRA GRAND, toujours flanqué de cette peur de ne pas être suffisamment compétent. Il pourra être très critique à l’égard des autres, qui ne sont pas assez compétents, pas assez expert, pas à jour des dernières connaissances…Il pourra rationaliser, avoir toujours raison, avoir des difficultés à déléguer, s’épuiser à sur-contrôler, sur-préparer pour ne pas être pris à défaut…

Quant à « Timide », elle s’occupe tellement des problèmes des autres qu’elle évite de s’occuper des siens. Elle a développé un grand sens de l’empathie, profond, sincère. En s’occupant ainsi des autres, elle pense (inconsciemment bien sûr !) qu’elle ne pourra pas être rejetée, on ne pourra que l’aimer, l’apprécier pour cela, pour son dévouement. ET TIMIDE DEVIENDRA GRANDE. Elle aura beaucoup de mal à dire non, pourra même se sentir devenir trop gentille. Animée d’une grande empathie voire sympathie à l’égard des personnes en difficulté, elle fera tout pour les aider…même s’ils n’en éprouvent pas le besoin et n’en formulent pas la demande… même si elle doit se mettre en difficulté, s’épuiser voire s’attirer des reproches pour ne pas avoir fait tout ce qu’elle avait promis de faire.


Et « Grincheux », il excelle à retenir tous les éléments et faits qui justifient sa position de victime !
Il prend souvent à titre personnel ce qui est dit, se vexe. Ses soupirs bruyants témoignent de son sentiment d’impuissance… « pauvre de moi » pense-t-il ! Il voudrait bien qu’on l’aide mais finalement, personne ne semble vraiment à la hauteur. ET GRINCHEUX DEVIENDRA GRAND. Il aura tendance à se plaindre, beaucoup. Des « Timides » voudront lui venir en aide mais en vain. Des « Prof » pourront être critiques voire très critiques à son égard. On pourrait imaginer que c’est une façon de se faire remarquer, de se donner de l’importance car il ne se sent pas si important que cela.

Quant à « Simplet »,  c’est comme s’il recherchait les situations difficiles, qui lui coûtent. Comme s’il avait besoin de « donner de sa personne », de souffrir, pour donner le meilleur de lui même. Quand SIMPLET DEVIENDRA GRAND, il pourra être un artiste qui a besoin de sa souffrance pour donner le meilleur de lui-même. Il ne demande pas d’aide, il veut faire seul, s’arque boute dans les situations difficiles.

« Mignonne », probablement que sa peur profonde, c’est de « ne pas y arriver seule ». Elle a tellement besoin de se rassurer que parfois, quand personne n’est là, elle tombe sur la plaquette de chocolat ou le pot de Nutella ! ET MIGNONNE DEVIENDRA GRANDE. Elle pourra vivre des sentiments de chute soudaine de son QI comme si tout se mélangeait. Ceux qui travaillent avec elle savent qu’elle est capable mais elle vient toujours demander, re-demander, valider, re-valider que ce qu’elle veut faire est valable. Un besoin de réassurance jamais rassasié.

Vous ne vous reconnaissez dans aucun des personnages précédents ?

Voyons « Joyeux » ! On pourrait dire de lui qu’il est dans une forme de déni de la réalité. QUAND JOYEUX DEVIENDRA GRAND, il pourra donner l’impression de minimiser les difficultés, avec une forme de surdité sélective. Il pourra lui arriver d’avoir des petits ou plus gros accidents, à répétition. Au travail, il peut user les autres car son entrain, son énergie et son optimisme le rendent peu accessible aux éventuelles difficultés que rencontrent ses collaborateurs.

QUE FAIRE ?
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Vous vous êtes reconnu un peu, beaucoup dans chacun de ces petits personnages fictifs ? Vous avez reconnu, un peu, beaucoup des amis, des proches, des pairs, des collaborateurs ou des hiérarchiques dans ces petits personnages ?
Bien sûr. Ces mécanismes de défense font partie de nous.
L’enjeu ici n’est pas de les supprimer mais d’en prendre conscience, de les noter car ils empêchent d’exprimer notre plein potentiel quand ils ne manifestent de manière intempestive et fréquente. Ils sont des obstacles à des relations constructives et satisfaisantes. Ils sont des obstacles à la créativité et à l’expression pleine et entière de chacun de nous.
Comme ces mécanismes sont inconscients, il s’agit de jouer au détective. C’est alors qu’intervient notre cornac. Il observe, en faisant en sorte de ne pas blâmer car il s’agit ici de comprendre, découvrir … un peu comme un jeu de piste.
S’alerter des petits signes de défense : perte de nos moyens intellectuels, tensions physiques soudaines ou récurrentes, vouloir avoir raison, hausser le ton, devenir trop gentil, se mettre en retrait, critiquer, devenir sarcastique, perdre le sens de l’humour….Que disent-ils ces signaux ? De quel(s) mécanisme(s) de défense pourraient-ils parler ?
Qui sont les gens que me touchent le plus, de manière positive ou négative ? En quoi ? Ces qualités et caractéristiques qui m’attirent, m’exaspèrent, en quoi parlent-elles de moi ?
Quelles sont les manières dont je filtre la réalité ? Qu’est-ce que je retiens ou omets, oublie ? Qu’est-ce que je minimise ou accentue ?
Quelles sont les difficultés relationnelles que je rencontre ? En y regardant de plus près et à tête reposée,  si un mécanisme de défense s’était activé chez moi, lequel serait-il ?
Ces temps de pause intérieure et d’introspection permettent à notre cornac d’interagir avec notre éléphant et dès lors, ce que je connais mieux me contrôle moins.

PONT AVEC NOTRE QUOTIDIEN

FLAGRANT DÉLITS DE DISTORSIONS !

La prochaine fois que vous vous trouvez dans une situation de tension, en mettant votre cornac aux commandes, avec l’intention de comprendre et sans juger ni vous culpabiliser, observez les faits et informations que vous retenez pour justifier votre point de vue. Recherchez ceux que vous auriez écartés, minimisés, transformés… pour construire votre réalité de la situation. En jouant au détective des distorsions, des omissions et des petits aménagements, vous découvrirez ce dont vous souhaitez vous protéger. Passé le petit moment où l’égo pourra négocier avec cette découverte, vous aurez alors la possibilité de gérer la réalité dans toute sa complexité, avec davantage d’objectivité et probablement de manière plus fluide avec vos interlocuteurs.

PONT PROFESSIONNEL
QUE FAIRE FACE À LA MAUVAISE FOI ?

Les mécanismes de défense créent des résistances au sein des équipes, avec nos clients, avec nos partenaires. Ils sont à l’origine d’un immense gâchis d’énergie et de montagnes de frustrations.
Prenons l’exemple de ce que nous considérons être de la « mauvaise foi probante » ! La mauvaise foi est un signe de défense. Mentir, transformer à ce point la réalité est une manière de se protéger de quelque chose qui pourrait être inavouable. Et celui qui « ment », qui nous semble être de mauvaise foi, craint plus que tout d’être démasqué.
Et si notre cornac devenait alors le porte parole de notre éléphant ? Et si au-delà des réactions viscérales de colère, d’agressivité, notre cornac créait un espace pour dire sa vision des choses, écouter la réalité de l’autre, en toute subjectivité c’est évident. Accueillir, écouter, comprendre, co-construire, c’est créer les conditions pour que les éléphants s’apaisent et montrent moins leurs défenses.
Il ne s’agit pas d’une posture molle, doucereuse ni manipulatoire. C’est une posture qui demande du courage relationnel. Ce n’est pas une posture de faiblesse. C’est une posture pleinement compatible avec l’affirmation de soi, avec la possibilité d’un désaccord, avec le fait de prendre une décision forte. Cette posture est également pleinement compatible avec le fait de poser des exigences élevées. C’est une posture qui permet de libérer le leadership qui réside en chacun de nous.
Sur ce chemin de découverte, parfois incertain, parfois semé d’embuches, où les enjeux de carrière en entreprise peuvent être fort, un accompagnement peut être utile. Dans une espace d’accueil, de bienveillance, le dirigeant, le cadre ou le collaborateur pourra apprendre à son cornac à apprivoiser son éléphant en toute sécurité. Il pourra s’entraîner dans la relation avec le coach, jouer au détective aidé du coach, traverser ce qu’il pense être des vulnérabilités pour en faire des forces qui n’auront plus besoin des mécanismes de défense.

ESTIME DE SOI ET EXPRESSION DE SON LEADERSHIP ?

Ces mécanismes de défense nous protègent de manière très imparfaite et polluent nos relations. Ils se sont développés pour nous permettre de faire face à un moment de notre existence à ce que nous considérions comme une faiblesse, une insuffisance, une vulnérabilité non avouable.
Tant qu’ils s’activent, c’est que l’écharde dans notre estime de nous est toujours là, réactive. Il peut s’agir de se sentir ou de se penser de « peu de valeur », « pas capable de faire face », « indigne d’être aimé ». Ce sont des sensations et des pensées imprimées de longue date.
Alors prenons cette opportunité de nous en occuper. Les signes de défense et les mécanismes de défense sont des manifestations pleines d’enseignements.

Et concluons avec nos amis qui deviendront grands !

  • Et « Prof » d’accepter qu’une petite erreur est tellement humaine, que sa valeur ne se mesure pas qu’à l’aune de son expertise.
  • Et « Timide » d’accepter qu’elle a aussi besoin d’aide et qu’elle peut s’occuper d’elle avant de s’occuper des autres, parce qu’elle le vaut bien ! …d’ailleurs les autres sont très capables d’y arriver par eux-mêmes.
  • Et « Grincheux » d’accepter qu’il peut faire petit à petit, pas à pas, sans s’imposer de devoir atteindre la lune de suite. La montagne se gravit pas à pas même si elle est très impressionnante. Il en est capable.
  • Et « Mignonne » d’accepter et reconnaître qu’elle a les ressources pour faire face et y arriver en grande partie seule. Reconnaître ses réussites et se réassurer elle-même.
  • Et « Simplet » d’accepter que ses petites difficultés ou erreurs ne sont pas la fin du monde et qu’il les surmontera. Accepter de les traverser y compris avec les autres.
  • Et « Joyeux » d’accepter que certaines situations peuvent être difficiles à traverser pour les autres … et pour lui aussi.

En prenant conscience de ses mécanismes de défense, le leader libère les ressources qui sont en lui et permet à chacun d’exprimer son plein potentiel.