Les histoires positives et vraies que nous nous racontons nous connectent à nos ressources profondes. Et pourtant nous excellons dans l’auto-narration d’histoires négatives et limitantes qui parlent de nos croyances. Et cela est tout aussi valable pour les personnes à titre individuel que pour les systèmes que sont les entreprises et les organisations.

Comment renforcer le pouvoir libérateur et créateur de ces histoires positives dans notre quotidien comme dans notre vie professionnelle. Je m’inspire ici de l’approche narrative que j’ai découverte cet été avec Pierre Blanc-Sahnoun et Laure Maurin que je remercie. Les pratiques narratives ont été inventées il y a une vingtaine d’années par Michael White, l’australien, et David Epston, le Néo-Zélandais. Pour plus d’informations, je vous invite à cliquer ici http://www.lafabriquenarrative.org/blog/les-pratiques-narratives-en-bref.

madame-mingMais avant, pour ouvrir le sujet, je voudrais évoquer le très inspirant livre que je viens de terminer, un bijou, serti et précieux, d’un de mes auteurs favoris, Eric-Emmanuel Schmidt : les dix enfants que madame Ming n’a pas eus !  Il s’agit de la vie d’une femme, madame Ming, en Chine. Pour dépasser la triste contrainte de l’enfant unique imposée par l’état, madame Ming s’est créé un récit de vie avec dix enfants. Mais jusqu’où cette progéniture est-elle imaginaire ? Cette narration délicate où chaque enfant porte un destin romanesque nous amène à réfléchir au message suivant : cette femme fragile et qui a traversé des épreuves, a trouvé dans cette progéniture « partiellement » inventée les ressorts d’une vie plus heureuse, plus vivante. Cette narration nourrit de détails croustillants plus vrais que nature l’a portée notamment dans les moments les plus difficiles de sa vie. Alors que le constat « cru » de l’enfant unique et des souffrances associées l’aurait anéantie et probablement aigrie.

Les histoires de notre vie : comment nous nous les racontons ?

Nous portons tous en nous ce qui s’appelle des histoires dominantes. Nous les avons élaborées à partir de nos souvenirs, de notre environnement familial et culturel, et à partir des faits que notre mental choisit de retenir et d’assembler pour donner du sens à ce que nous vivons. Car nous voyons ce que nous croyons, et non l’inverse d’où la puissance de nos croyances.

Il y a des histoires dominantes aidantes et d’autres, vous l’aurez compris, limitantes.

Par exemple : « Je n’ai pas de leadership » peut être une histoire dominante construite à partir de faits soigneusement sélectionnés, renforcés par certains feedback reçus et une culture d’entreprise focalisée sur un style de leadership différent du mien.

Autre exemple : « Mon N+1 ne me fait pas confiance » peut être une autre histoire dominante construite à partir des quelques faits réels auxquels j’ai donné ce sens, faits qui résonnent avec mon histoire personnelle.

Interprétations, généralisations, croyances soutenues par notre histoire personnelle nourrissent ces histoires dominantes qui pour certaines seront encombrantes, restrictives et réductrices. Notre cerveau, notre mental en fait, avide de donner du sens, sélectionne « soigneusement » les faits et leur donne du sens, pour nourrir notre histoire dominante : relations de cause à effet, interprétations voire sur-interprètations. Notre mental se régale en jouant sa partie pour valider toujours plus avant sa thèse première.

Aussi, les pratiques narratives forment une démarche puissante, valorisante et qui redonne le pouvoir à chaque acteur sur sa vie. Elle propose une transformation en plusieurs temps pour se libérer de ces entraves.

Mais quel est le problème au fait ?

Dans un premier temps, il s’agit d’identifier les histoires dominantes qui sont problématiques pour nous. Nous pouvons les repérer quand des scénarii se répètent, au vue des pensées négatives qui nous paralysent ou encore cette chose qui est plus forte que nous et qui nous empêchent d’aller mieux ou de réussir comme nous le souhaiterions.

Externaliser le problème, quesaco ?

Puis ce faisant, nous allons prendre du recul par rapport à ce problème en s’en des-identifiant, en changeant de cadre, en l’ « externalisant ». Stop aux pensées critiques automatiques « je suis nul-le », « je suis timide », « je suis un mauvais leader » ou « tu es nul-le », « tu n’est pas fiable ».

Le problème externalisé, parfois identifié par un petit nom, prend alors vie et s’autonomise, développe ses propres caractéristiques et portent ses propres effets. Il ne nous colle plus à la peau! Il n’est plus nous. « Timidité » m’empêche de rencontrer des personnes dont je souhaiterais faire connaissance. Je ne suis plus « Timidité ». Ce problème externalisé fait alors moins peur, il relâche son emprise, nous retrouvons une marge de manœuvre par rapport à lui. « Timidité », « manque de confiance » ou « manque de leadership » ne sont plus tout moi et je ne suis plus tout eux, ils sont externalisés et je peux alors les gérer autrement.

Comme le propose Martin Seligman dans son ouvrage Pratiquer la psychologie positive au quotidien pour mener une vie heureuse, prenons du recul par rapport à ces pensées critiques qui nous harcèlent : imaginez qu’elles n’émanent pas de vous mais d’une personne critique qui aurait pour mission de vie de vous « pourrir » la vie. Que feriez-vous face à cette personne critique ? Vous auriez probablement envie de lui prouver qu’elle a tort ? Vous iriez rassembler les preuves et faits qui lui prouvent qu’elle se trompe. Nous voilà arrivés à la 3eme étape.

Pister les histoires alternatives, alternative puissante s’il en est !

Les expériences vécues sont tellement complexes que nous n’en n’avons qu’une lecture partielle. Par définition ! Il n’y a pas une vérité mais autant de perceptions de la réalité que de personnes ! Mais notre mental nous joue des tours en construisant sa vérité.

Comment s’en libérer ? En allant chercher des histoires alternatives pour transformer nos croyances.

Une fois que le problème de l’histoire dominante est externalisé, à nous de chercher l’histoire alternative ! Les histoires alternatives sont ces moments où le problème ne s’est pas manifesté. Comme cela ne rentre pas dans la logique de notre mental, il aura tenu cette exception hors de notre champ. « Pas intéressant car ne valide pas la thèse dominante ! » Notre mental étant plutôt plus fort que nous, l’aide d’un tiers peut être nécessaire.

Développer une histoire alternative peut s’appuyer sur des personnes qui en ont été témoin. Il s’agira d’aller regarder, reconstruire ces interprétations que nous avons ignorées et qui pourraient donner un autre sens aux faits.

connections-neuronales« Mais quand j’ai participé à cet évènement, à tel moment j’ai oublié d’être Timide et cela m’a permis de …. » OU « A l’occasion de ce projet que j’ai mené, j’ai fait preuve de Leadership en faisant ceci et cela… et cela m’a permis de… » OU « En rédigeant et publiant cet article, je me suis appuyée sur une certaine confiance en moi… »

Alors dans notre cerveau, en cultivant ces exceptions, en les arrosant, commencent à se développer puis à s’épaissir des nouvelles connexions tandis que les connexions des histoires dominantes perdent du terrain, jusqu’à finir en pointillés.

Ces nouvelles connexions, il faut les choyer, déjouer les habitudes de notre mental, rester vigilants. Rappelons nous que notre mental aime les habitudes, les généralisations, les simplifications souvent à notre détriment. Nos mécanismes de défense sont là pour en témoigner.

Pont avec notre quotidien

Récemment, vous avez très certainement vécu une situation qui vous a contrarié. Avec un proche, un ami, un voisin, un serveur ou une serveuse, un inconnu. Quelles conclusions en avez-vous tiré? « C’est toujours comme ça avec …. »

Maintenant élargissez votre champ. Il y a vous, la personne concernée et puis le problème, cette chose désagréable que vous avez vécue. C’est une première forme d’externalisation.

Puis demandez-vous ce que ce problème a eu comme conséquences pour vous, pour l’autre. Ce problème a réussi son coup n’est-ce pas? Qu’auriez-vous pu faire, dire, penser pour donner moins de pouvoir à ce problème ?

Pont professionnel

Prenons le temps d’une pause pour regarder nos histoires professionnelles dominantes de plus loin.

Quelle est cette caractéristique que vous vous attribuez dont vous considérez qu’elle vous empêche de réussir pleinement? Manque de confiance en soi? Manque de leadership? Manque d’estime de soi? Trop introverti ? Pas assez politique ?

Puis posez ce problème à l’extérieur de vous. Donnez-lui la parole. Quand? Où? Dans quelles situations prend-il le pouvoir ? Soyez précis. Que vous empêche-t-il de faire? …

Et maintenant, profitez d’un moment de pause pour dénicher les situations où « manque de confiance en soi », « manque d’estime de soi », « manque de leadership », « introversion » ou « pas assez politique » n’ont pas eu gain de cause. Et profitez de cette découverte pour donner de l’épaisseur à ce moment. Quand? Comment? Où? Avec qui? Avec quels effets? Ce que cela a permis de révéler de vos ressources? Plus vous en direz, plus vous en écrirez, plus votre histoire alternative deviendra une réalité. N’hésitez pas à solliciter une personne bienveillante qui aurait été témoin de cette exception. Elle sera heureuse de vous aider et vous construirez une histoire alternative encore plus forte.

TRANSFORMER SES CROYANCES AVEC LES PRATIQUES NARRATIVES

La démarche d’accompagnement proposée par les pratiques narratives propose entre autre ce travail, mais elle est beaucoup plus riche que ce qui est décrit dans cet article. Co-construire avec un tiers, un coach ou un thérapeute, des histoires alternatives positives pour reprendre durablement les rennes de sa vie. Cette démarche a cela de magnifique qu’elle s’appuie sur les ressources de la personne, en l’absence de tout jugement. C’est la personne, vous, moi qui sait ce qui est bon pour elle, qui est à même de reconnaître les effets négatifs du problème dont elle pâtit. Ces effets négatifs bien identifiés pourront alors être opposés à notre mental pour lui résister… et nous libérer pour exprimer notre potentiel.