Dans mon article précédent, j’ai choisi de filer la métaphore de l’éléphant et du cornac pour évoquer cette dualité que nous ressentons parfois et proposer un cheminement.
L’éléphant représente notre partie inconsciente -pensées, émotions, ressentis, sensations -. Il est notre personnalité profonde, nos traits de caractère mais aussi la source de nos talents.
Le cornac, quant à lui, est plutôt frêle, doué de raison, rationnel, planificateur, organisateur. Il analyse, peut donner la vision, le sens et peut s’inscrire dans le futur. C’est l’esprit juché sur le dos de l’éléphant.
Dans cet article, je voudrais illustrer avec cette métaphore le concept d’estime de soi.

IMAGINONS …

Une ancienne patronne, expatriée depuis 2 ans, que vous estimiez beaucoup, est de passage en France. A cette occasion, elle passe vous saluer. Lors de ce rapide échange, vous sentez son intérêt franc et sincère à votre égard. Vous vous sentez ragaillardi, rassuré sur votre valeur. Imaginez comment cela pourrait se traduire dans votre posture, vos gestes, votre façon d’être vis à vis des personnes que vous allez croiser l’après-midi!
Imaginons même qu’elle vous ait rappelé à quel point elle avait apprécié votre contribution sur un projet clé, au succès reconnu dans l’entreprise. Imaginez comment cette confiance en vous renforcée va impacter votre réaction si votre patron vous confiait dans l’après-midi même un dossier important ?
Imaginons enfin qu’elle se confie à vous, ses doutes, ses questionnements, ses réussites, comme elle le faisait parfois. Cela vous touche et vous fait comprendre qu’elle vous apprécie probablement. Imaginez ce que le fait d’être apprécié pleinement pour qui vous êtes, indépendamment d’ailleurs de vos compétences vous permet, vous autorise !
Ce détour par cette situation « imaginée » permet d’illustrer combien l’estime de soi soutient notre façon d’être et notre charisme.

L’ESTIME DE SOI, UNE HISTOIRE D’UN GRAND ÉCART QUI DEVIENDRA PETIT !

L’estime de soi, est inversement proportionnelle à l’écart que je perçois entre ce que je pense être et  ce que je voudrais être. C’est le regard et le jugement que notre cornac porte sur notre éléphant.
L’écart est grand : j’ai peu d’estime pour moi. Je me perçois « un peu », « beaucoup », « très » en  dessous de ce que je souhaiterais être. Notre cornac voudrait bien que  notre éléphant soit plus capable de certaines prouesses, plus sympathique, plus parfait.
Non seulement notre cornac pose des attentes démesurées mais de plus il juge sévèrement ce qui est. Nous nous jugeons très sévèrement, bien plus sévèrement que les autres ne le font. Toutes les sessions de feedbacks le montrent. Nous nous trouvons souvent moins de valeur que celle que nous accordent les autres. Nous nous sentons moins capable et compétent que ce que nous restituent nos managers. Nous n’entendons pas combien nos amis et amies proches nous aiment et tiennent à nous.
Entre des exigences sans limites et une difficulté à évaluer avec justesse ce qui est, le cornac est frustré. D’ailleurs, bien souvent, le cornac n’accuse pas son éléphant de cette frustration ! Il accuse les éléphants et les cornacs des autres. Mais ceci est une autre histoire que je développerai dans un prochain article sur nos mécanismes de défense préférés.

Alors que signifie une bonne estime de soi ? J’ai une bonne estime de moi quand je me sens en phase entre ce que je suis et ce que je voudrais être. Cela ne signifie en aucun cas que je suis le meilleur, le plus fort, le plus intelligent, le plus capable. Cela signifie que je me sens bien avec ce que je suis.

UNE FAIBLE EST ESTIME DE SOI : QUELLES CONSÉQUENCES ?

Quand notre éléphant ne se sent pas estimé, il perd confiance en lui. Il devient maladroit, hésitant. Il sent confusément que son cornac attend plus, est frustré. Notre éléphant avance, contraint, malheureux, pas complétement libre d’être lui-même, dans la crainte de décevoir. Il se recroqueville sur des comportements automatiques, parfois défensifs, se conforme à quelque chose dont il ne sait même pas exactement ce que c’est. Il peut même réduire son champ d’action et son champ d’expression. Tellement d’ailleurs qu’il finit par décevoir davantage le cornac, qui se conforte dans son jugement.  Le cercle est vicieux.
Alors que si notre même éléphant se sentait reconnu pour ce qu’il est, accepté et apprécié inconditionnellement, conduit par un cornac en confiance avec lui, il afficherait avec sérénité qui il est, paisible, tranquille, assuré de ses capacités et permettrait au couple cornac/éléphant de rayonner pleinement, avec qui ils sont.

LES AUTRES POUR RENFORCER NOTRE ESTIME DE SOI, OUI MAIS…

La scénette du début illustre comment notre estime de soi peut être renforcée temporairement par un tiers. Mais nous ne pouvons pas dépendre uniquement des appréciations des autres pour maintenir notre estime de soi. Ce n’est pas si fréquent de croiser dans notre vie une patronne comme celle-ci !

COMMENT RENFORCER NOUS-MÊME NOTRE ESTIME DE SOI ?

Alors il devient de notre responsabilité de renforcer notre estime de soi. D’amener notre cornac rationnel à prendre conscience de la valeur, de l’unicité de notre éléphant. A prendre conscience et accepter nos vulnérabilités, nos fragilités, nos limites. Et ce travail n’est pas un petit travail. C’est un travail de rencontre avec soi-même, d’ouverture à soi. Et pour l’avoir fait et avoir accompagné de nombreuses personnes sur ce chemin, c’est un travail d’émerveillement, de prise de conscience, de transformation positive, parfois diificile, décourageant mais toujours émouvant et libératoire.

A découvrir nos talents uniques, à accepter nos limites sans s’y complaire, à rencontrer nos petites et grandes peurs, nous devenons pleinement qui nous voulons être. Car ce qui limite notre pleine expression et notre plein potentiel, ce ne sont pas tant nos capacités mais les jugements, les contraintes et les limites que nous nous fixons, très souvent inconsciemment d’ailleurs.

PONT AVEC NOTRE QUOTIDIEN

AU-DELA DE LA ZONE DE CONFORT, …

Osons sortir de notre « zone de confort », cet espace connu d’ailleurs pas toujours si confortable. Cette zone est délimitée par une frange invisible, nos peurs de…
La prochaine fois que vous sentez cette ambivalence entre « j’aurais bien envie de faire cela, de dire cela, de partager cette émotion… » MAIS «  mais ça ne se fait pas, la personne va penser que, je vais avoir l’air de quoi ? ».
Plutôt que d’en rester là, cette façon de faire que vous connaissez bien, tentez de suivre votre envie profonde, votre premier mouvement, au plus près de votre vérité. Testez. Vous serez agréablement surpris par le résultat et son impact. Parfois un peu maladroit, vous pourrez progressivement ajuster et découvrir de nouvelles façons d’être. Le cornac sceptique reconnaîtra peu à peu la beauté de son éléphant.
Sachez que derrière chaque peur, il y a un désir. Laisser triompher la peur, c’est peu à peu renoncer à soi.

PONT PROFESSIONNEL

LE FEEDBACK, LA CLE D’OR D’UN CLIMAT CONSTRUCTIF

Prenez le temps d’aller chercher des feedbacks, positifs, constructifs. « Tiens, tu pourrais me dire ce que tu penses de ce travail que j’ai fait l’autre fois. Et plus particulièrement, sur ce point, j’aimerais avoir ton avis. » Plus votre « angle mort » – ces qualités et ces petites choses à améliorer que vous ne soupçonnez pas – se réduira, plus vous vous sentirez capable. Et là, il va falloir dompter votre éléphant pour qu’il apprenne à se nourrir autant des feedbacks positifs que négatifs.
Qu’il n’écarte pas les feedbacks positifs d’un « c’est normal », «  s’il me dit cela, c’est qu’il a quelque chose à me demander après »,  «  il me flatte mais il n’en pense pas un mot». D’ailleurs, avez-vous déjà, à titre personnel, donnez des feedbacks positifs sans en penser un mot ?
Quant aux feedbacks négatifs, attention ! Des autres, notre éléphant ne peut accepter que les feedbacks négatifs précis, constructifs, sur les faits et ce que nous faisons ! La réception n’est plus possible quand les feedbacks attaquent notre être, ce que nous sommes, notre personne.
Une feedback négatif constructif, fondé sur les faits donc, ne doit pas non plus effondrer notre éléphant. Même si sur le moment, c’est toujours très inconfortable, c’est une opportunité de changer. Ici, c’est au cornac de faire alliance avec notre éléphant pour dépasser ensemble la réaction émotionnelle forte de colère, de rejet ou de tristesse qui pourrait pointer le bout de son nez.
Et surtout, donnez du feedback, du feedback positif, ce que notre patronne du début a su si bien faire. En toute sincérité, … En créant un climat positif avec vos équipes, vous créez une atmosphère qui leur permettra de renforcer leur estime d’eux-mêmes. Vous constaterez que vos collaborateurs gagneront en charisme, assertivité, transparence, en capacité à dire les choses, en ouverture et ceci au profit de la performance collective.

Sur ce chemin de découverte, parfois incertain, parfois semé d’embuches, où les enjeux de carrière en entreprise peuvent être fort, un accompagnement peut être utile. Dans une espace d’accueil, de bienveillance, le dirigeant, le cadre ou le collaborateur pourra apprendre à son cornac à apprivoiser son éléphant en toute sécurité. Il pourra s’entraîner dans la relation avec le coach, entendre des feedbacks et expérimenter de nouvelles façons d’être en renforçant son estime de soi.

Et je voudrais pour conclure, partager avec vous cette magnifique parole de Carl Rogers :

soleil

« Les gens sont juste aussi merveilleux que des couchers de soleil, si je peux les laisser être.
En fait, peut-être que la raison pour laquelle nous pouvons vraiment apprécier un coucher de soleil, est que nous ne pouvons pas le contrôler.
Quand je regarde un coucher de soleil comme je l’ai fait l’autre soir, je ne me trouve pas moi même en train de dire : « Adoucis lui un peu le orange au coin, mets un peu plus de rouge à la base, utilise un peu plus de rose dans la couleur des nuages. »
Je ne le fais pas. Je n’essaie pas de contrôler un coucher de soleil. Je le regarde avec respect.
Je m’aime mieux quand je peux apprécier mon collègue, mon fils, ma fille, mes petits enfants, de cette manière. »  Carl ROGERS, A Way Of Being, 1980

Et le cornac de lâcher prise et mieux aimer son éléphant pourra mieux apprécier les cornacs et les éléphants des autres.
Leader de soi, leader des autres : le leader de soi développe sa connaissance de lui, jour après jour, renforce son estime de soi pour s’ouvrir, agir avec plus de responsabilité, de sérénité et de transparence. Il permet alors à ses équipes d’avancer sur ce chemin également.
En créant les conditions de la confiance, de la transparence, de l’estime de soi, le leader permet à chacun d’exprimer son plein potentiel.